Mémoire adressé au ministère des Services à l’enfance et des Services sociaux et communautaires concernant les mises à jour proposées de la directive visant à éclaircir les exigences relatives à la collecte de données et aux signalements pour les sociétés d’aide à l’enfance en ce qui concerne la nouvelle politique relative aux jeunes quittant la prise en charge et le programme « À vos marques, prêts, partez »
Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario
Juin 2024
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Le ministère des Services à l’enfance et des Services sociaux et communautaires sollicite des commentaires sur un projet de règlement introduisant des modifications à la Directive : CW 003-23 — Préparer les jeunes à une transition réussie de la prise en charge par les sociétés d’aide à l’enfance à l’âge adulte[1]. Les modifications projetées serviraient à clarifier les exigences relatives à la collecte de données et aux signalements pour les sociétés d’aide à l’enfance en ce qui concerne la nouvelle politique relative aux jeunes quittant la prise en charge et le programme À vos marques, prêts, partez.
Le gouvernement a également présenté plusieurs modifications législatives dans son récent projet de loi 188, Loi de 2024 visant à soutenir l’avenir des enfants. En mai 2024, mon Bureau a présenté au Comité permanent de la politique sociale six propositions mettant en lumière des problèmes que j’avais précédemment portés à l’attention du ministère des Services à l’enfance et des Services sociaux et communautaires, mais qui étaient restés non résolus.
Je salue les efforts que le gouvernement déploie pour renforcer la surveillance ministérielle des sociétés d’aide à l’enfance en ce qui concerne les soins et le soutien qu’elles fournissent aux jeunes de 18 à 22 ans. J’ai préparé le présent mémoire pour faire part des observations et de l’expertise de mon Bureau dans ce domaine, et je suis convaincu qu’il aidera le Ministère à renforcer la surveillance et la responsabilisation entourant les jeunes vulnérables.
Compétence et rôle de l’Ombudsman dans l’amélioration des services aux enfants et aux jeunes
L’Ombudsman, nommé en application de la Loi sur l’ombudsman[2], est un haut fonctionnaire indépendant et impartial de l’Assemblée législative de l’Ontario. À ce titre, il a le pouvoir d’effectuer des examens et des enquêtes officielles à l’égard de la conduite administrative de plus de 1 000 organismes publics, dont les organisations du gouvernement provincial, les entités du secteur municipal, les conseils scolaires ainsi que les universités financées par les fonds publics. Depuis 2019, l’Ombudsman a aussi comme mandat d’examiner les plaintes concernant les sociétés d’aide à l’enfance, les titulaires de permis d’établissement, et les centres de traitement en milieu fermé qui fournissent aux enfants et aux jeunes des services prescrits par la Loi sur les services à l’enfance, à la jeunesse et à la famille (LSEJF), ainsi que les plaintes au sujet de la prestation des services en français en vertu de la Loi sur les services en français. Lorsqu’un problème est signalé, l’Ombudsman peut formuler des recommandations afin de le régler, d’améliorer les processus et de renforcer la gouvernance et la responsabilisation.
L’Ombudsman a repris certaines des fonctions de l’ancien Bureau de l’intervenant provincial en faveur des enfants et des jeunes. Plus précisément, le Bureau de l’Ombudsman a été investi du pouvoir d’enquêter sur « toute affaire » concernant les services fournis à un(e) enfant par une société d’aide à l’enfance ou par un fournisseur de services détenant un permis d’établissement. De plus, en application du Règlement de l’Ontario 80/19, mon Bureau est chargé de recevoir et d’examiner les rapports au sujet des circonstances entourant le décès ou les lésions corporelles graves d’un(e) enfant ayant reçu des services relevant de la LSEJF. Il s’agit là d’une fonction auparavant remplie par le Bureau de l’intervenant.
Depuis, le Bureau de l’Ombudsman a prêté assistance à des enfants, jeunes et familles dans plus de 7 700 dossiers touchant de jeunes personnes prises en charge ou recevant des services de sociétés d’aide à l’enfance, et près de 1 000 dossiers en lien avec des centres de justice pour la jeunesse. Mon Bureau non seulement aide des milliers d’enfants concernant des problèmes liés à la protection de l’enfance, mais fait aussi de la sensibilisation auprès des enfants fréquentant des écoles provinciales et d’application et leur fournit des services. Il supervise un vaste éventail de services pour enfants dans les secteurs des services sociaux, de la santé et de l’éducation.
Une bonne partie de ces dossiers sont traités à mon Bureau par une unité spécialisée dans les cas touchant les enfants et les jeunes, l’Unité des enfants et des jeunes. Cette unité a pour fonction de promouvoir et de protéger les droits des enfants et des jeunes pris(es) en charge, par les actions suivantes :
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Traiter les plaintes des jeunes personnes, de leurs familles et du public;
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Mener des enquêtes s’il y a lieu;
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Surveiller et administrer le système de rapports de décès et de lésions corporelles graves;
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Rencontrer les jeunes personnes prises en charge pour les informer de leurs droits;
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Donner des présentations aux fournisseurs de services ayant des obligations envers les enfants et leurs familles aux termes de la LSEJF;
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Produire des documents de communication et donner des présentations aux groupes communautaires et aux professionnel(le)s qui viennent en aide aux jeunes personnes;
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Donner des conseils et adresser des recommandations au gouvernement.
Nous avons également créé quatre équipes spécialisées – Cercle autochtone; Table des enfants, des jeunes et des familles noir(e)s; équipe de sensibilisation 2SLGBTQIA+; et groupe de liaison avec les écoles provinciales et d’application – pour mener des activités de présentation et de sensibilisation auprès des enfants, des jeunes et des familles qui font partie de ces groupes.
Notre but est d’améliorer l’expérience des jeunes personnes et des familles qui reçoivent des services de protection de l’enfance en Ontario en nous assurant qu’elles sont traitées équitablement.
Exigences de signalement sur les jeunes de 18 à 22 ans
À l’heure actuelle, les jeunes de 18 à 23 ans peuvent recevoir des soins et un soutien prolongés d’une société d’aide à l’enfance dans le cadre du nouveau programme À vos marques, prêts, partez, qui est là pour soutenir les jeunes qui quittent l’encadrement d’une société d’aide à l’enfance pour démarrer leur vie adulte.
Le Ministère projette de modifier la Directive : CW 003-23 — Préparer les jeunes à une transition réussie de la prise en charge par les sociétés d’aide à l’enfance à l’âge adulte en vue de clarifier les exigences relatives à la collecte de données et aux signalements pour les sociétés d’aide à l’enfance en ce qui concerne la nouvelle politique relative aux jeunes quittant la prise en charge et le programme À vos marques, prêts, partez. L’une des modifications proposées obligerait les sociétés à préparer et à soumettre des rapports sur les incidents graves qui touchent des jeunes participant actuellement au programme À vos marques, prêts, partez ou qui y ont participé au cours des 12 mois précédant leur décès.
Je vois d’un bon œil le projet du Ministère d’exiger que ces rapports soient aussi fournis pour les jeunes de 18 à 22 ans, ce qui permettrait de renforcer la surveillance ministérielle des sociétés d’aide à l’enfance en ce qui concerne les soins et le soutien qu’elles fournissent à des jeunes plus âgé(e)s effectuant leur transition vers l’âge adulte.
Par contre, cette proposition ne forcerait pas les sociétés à soumettre à mon Bureau des rapports sur les décès et les lésions corporelles graves pour les jeunes de 18 à 22 ans qui participent au programme À vos marques, prêts, partez. À l’heure actuelle, les sociétés d’aide à l’enfance et les prestataires agréé(e)s de services en établissement ne sont tenu(e)s d’aviser le Bureau de l’Ombudsman que lorsqu’ils(elles) prennent connaissance du décès ou d’une lésion corporelle grave d’un(e) enfant ou d’un(e) jeune de 18 ans ou moins qui a reçu des services d’une société d’aide à l’enfance au cours des 12 mois précédents[3].
Beaucoup de sociétés d’aide à l’enfance remettent volontairement à mon Bureau des rapports sur les décès et les lésions corporelles graves pour les jeunes de 18 à 22 ans participant au programme À vos marques, prêts, partez. Au cours de la dernière année, mon Bureau a reçu au total 149 rapports sur le décès d’un(e) enfant ou d’un(e) jeune. De ce nombre, 27 concernaient le décès d’un(e) jeune de 18 ans ou plus, dont 10 cas de surdose et trois suicides. L’Unité des enfants et des jeunes de mon Bureau dispose d’une équipe chargée d’examiner chaque semaine tous les rapports sur les décès et les lésions corporelles graves pour repérer les problèmes systémiques potentiels et les cas nécessitant un suivi.
Malheureusement, une société d’aide à l’enfance a explicitement refusé de fournir volontairement à mon Bureau ces rapports pour les jeunes de 18 ans ou plus participant au programme À vos marques, prêts, partez. Comme il ne peut pas consulter ces rapports, mon Bureau n’est pas en mesure de repérer les problèmes systémiques et les cas nécessitant un suivi en lien avec les services que cette société fournit aux jeunes vulnérables.
Pour renforcer les mécanismes de surveillance entourant ces jeunes adultes vulnérables, j’invite le Ministère à obliger également les sociétés à soumettre des rapports sur les décès et les lésions corporelles graves à mon Bureau lorsqu’elles prennent connaissance du décès ou de lésions corporelles graves d’un(e) jeune participant au programme À vos marques, prêts, partez ou qui décède dans les 12 mois suivant sa participation. Le Ministère pourrait ainsi améliorer la surveillance et la responsabilisation dans le cadre de la prestation des services prescrits par la LSEJF.
Proposition 1
Il faudrait modifier la Directive : CW 003-23 — Préparer les jeunes à une transition réussie de la prise en charge par les sociétés d’aide à l’enfance à l’âge adulte de manière à exiger que les sociétés d’aide à l’enfance avisent par écrit l’Ombudsman de l’Ontario, dans un délai raisonnable, lorsqu’elles ont connaissance du décès ou de lésions corporelles graves d’un(e) jeune participant au programme À vos marques, prêts, partez, ou ayant participé au programme au cours des 12 mois précédant son décès.
Proposition 2
Il faudrait modifier le Règlement de l’Ontario 80/19 pris en application de la Loi sur l’ombudsman de manière à exiger que les sociétés d’aide à l’enfance avisent par écrit l’Ombudsman de l’Ontario, dans un délai raisonnable, lorsqu’elles ont connaissance du décès ou de lésions corporelles graves d’un(e) jeune participant au programme À vos marques, prêts, partez, ou ayant participé au programme au cours des 12 mois précédant son décès.
Conclusion
Je salue la volonté renouvelée du gouvernement d’améliorer la surveillance ministérielle des sociétés d’aide à l’enfance en ce qui concerne les soins et le soutien qu’elles fournissent aux jeunes de 18 à 22 ans. Les deux propositions présentées ici, à la lumière de la vaste expérience de mon Bureau dans ce domaine, permettront de pousser plus loin ces améliorations et de renforcer la surveillance du soutien aux jeunes vulnérables dans la province.
Je remercie le Ministère de l’attention portée à mes propositions. Mon personnel se fera un plaisir de communiquer plus d’information et de répondre aux questions.
Paul Dubé
Ombudsman de l’Ontario
[1] Ministère des Services à l’enfance et des Services sociaux et communautaires, Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletMises à jour proposées de la directive visant à éclaircir les exigences relatives à la collecte de données et aux signalements pour les sociétés d’aide à l’enfance en ce qui concerne la nouvelle politique relative aux jeunes quittant la prise en charge et le programme À vos marques, prêts, partez, Registre de la réglementation de l'Ontario (17 avril 2024), en ligne.
[2] L.R.O. 1990, chap. O.6.
[3] Article 1 du Règlement de l’Ontario 80/19 pris en application de la Loi sur l’ombudsman.